Y CROIRE, OU NE PAS Y CROIRE...

Publié le par SoPhie



"Je puis vouloir une éclipse, ou simplement un beau soleil qui sèche le grain, au lieu de cette tempête grondeuse et pleureuse; je puis, à force de vouloir, espérer et croire enfin que les choses iront comme je veux; mais elles vont leur train. D'où je vois bien que ma prière est d'un nigaud. Mais quand il s'agit de mes frères les hommes, ou de mes soeurs les femmes, tout change. Ce que je crois finit souvent par être vrai. Si je me crois haï, je serai haï; pour l'amour, de même. Si je crois que l'enfant que j'instruis est incapable d'apprendre, cette croyance écrite dans mes regards et dans mes discours le rendra stupide; au contraire, ma confiance et mon attente est comme un soleil qui mûrira les fleurs et les fruits du petit bonhomme. Je prête, dites-vous, à la femme que j'aime, des vertus qu'elle n'a point; mais il faut essayer; il faut croire. Le peuple, méprisé, est bientôt méprisable; estimez-le, il s'élévera. La défiance a fait plus d'un voleur; une demi-confiance est comme une injure; mais si je savais la donner toute, qui donc me tromperait? Il faut donner d'abord."                    ALAIN

Annales du bac de philosophie,
chapitres "Autrui" et "Illusion", série B, 1984.

ILLUSION ou "prendre ses désirs pour la réalité". Les "choses" ou phénomènes naturels "vont leur train", ma volonté n'a aucun pouvoir sur les réalités astronomiques ou météorologiques.
Pourquoi? Car la nature est indifférente à ce que je pense d'elle!
Mais l'idée que je me fais de cet enfant, de cette femme, de ce peuple, mon jugement sur lui ou sur elle, ne lui sont pas indifférents. On peut penser qu'il ou elle se transforme selon cette idée, en "positif" ou en "négatif", comme pour mieux me plaire, ne pas me contrarier?
Alors, en ces temps de défiance et de repli sur soi, pourquoi ne pas tenter, pour voir, de lui faire confiance, pour qu'il sache que la confiance est précieuse et prenne confiance en soi.
Juger un exercice, un devoir, le résultat d'un travail, mettre une note sur une copie, une appréciation sur un cahier, est-ce formuler un jugement sur l'auteur de ce devoir? Jugement, "affirmation d'un relation vraie entre deux éléments", "X = Y", "le ciel est gris", "mademoiselle, madame, monsieur est ...", autant de vérités qu'un regard signifie autant que les mots, et dont il faudra se remettre. Enfermés dans des boites, comment en sortir? Devenir, changer, grandir, apprendre, à quelles conditions? En cultivant des illusions sur les capacités de chacun à s'interroger, et en l'aidant à y croire, mais la confiance est à partager.

Publié dans Philo

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