REPENSER / REPANSER / LE TRAVAIL

Publié le par SoPhie



Débat avec Emilie,

doctorante en Sciences de Gestion et Management.

 

« En licence d’ethnologie, j’ai choisi d’étudier les retraités. A partir d’entretiens, j’ai analysé leur discours. Mon étude s’est ensuite axée sur les salariés en fin de carrière, afin d’étudier les questions de gestion (concilier le bien-être des salariés et les objectifs de l’entreprise) pour discuter d’une politique de gestion des âges.

Comment adapter l’organisation du travail aux évolutions de la société ?

Ces évolutions sont : - le vieillissement, seniors (50-70ans), comment gérer leurs compétences ? – les nouveaux âges, nouveaux temps sociaux : les « Tanguy », post-adolescence. – allongement des études, entrée dans la vie active repoussée, emplois précaires.

Et vous, quelles questions vous posez-vous sur le monde du travail ?

 

Réponse d’une étudiante : « Est-ce qu’on va trouver un travail qui va nous plaire ? »

 

« Il s’agit alors de distinguer l’emploi de la qualité de l’emploi. Avant, on s’engageait dans une carrière, dans un environnement de plein emploi, assez certain. Aujourd’hui, la question devient : quelles concessions on est prêt à faire quand on arrive sur le marché du travail ?

On est passé du mode de production fordiste et collectif du travail, à aujourd’hui ce qu’on appelle « la logique de compétence ». On va vous évaluer sur votre savoir, et votre savoir-faire, et votre savoir-être. On attend de l’individu qu’il soit plus autonome et plus responsable au sein de l’entreprise. Mais y a-t-il encore un projet collectif de l’entreprise ? Comment lier les aspirations individuelles et les besoins de l’organisation ? »

 

Question d’un élève : « Le savoir-être, qu’est-ce que cela signifie ? »

 

«  Le savoir-être, c’est ce qui va faire la différence en entretien. Votre CV dit quel est votre savoir, on attend aussi de vous un savoir-faire, une pratique. Mais en plus on attend des talents, des personnes qui ne sont pas que des cerveaux, qui savent vivre. Les questions sont : comment savoir faire travailler les gens entre eux ? Comment développer la connaissance dans l’entreprise, pour amener de la coopération et de la création ?

Dans certaines entreprises il y a des lieux de socialisation, par exemple une cafétéria bien aménagée. On travaille aussi sur la confiance. Par exemple, on peut ne plus faire de pointage, pour que les gens se sentent bien, ils n’ont plus à pointer quand ils arrivent et repartent, les horaires de travail c’est de telle heure à telle heure et on considère que si vous n’êtes pas là c’est que vous avez une bonne raison. »

 

Question d’un élève / impact de la crise économique sur le travail.

 

« Des CDD non renouvelés, la fin de l’intérim, une réorganisation du temps de travail. La gestion du temps de travail est alors basée sur la modulation, en fonction des périodes « creuses » ou de celles à forte activité. Les horaires sont alors flexibles, selon une annualisation du temps de travail. Et au nom de solidarités, on peut voir un cadre des ressources humaines aller prêter main forte en caisse, par exemple.

Tout ceci pose des questions d’éthique : comment on se positionne en tant qu’être humain dans le travail, tout en tenant compte de la réalité économique ? A ce sujet, la philosophie, les concepts de base, m’ont toujours accompagnée. Qu’est-ce que la responsabilité ? Cela permet de remettre du sens dans son action, et de prendre des directions. Il faut se dire : j’ai ma personnalité, mes valeurs, et il y a cette réalité économique, maintenant quelles décisions je prends ? »

 

« Tu as participé à un comité de recrutement, quels conseils pourrais-tu donner / CV, lettre de motivation ? »

 

« J’ai été étonnée de voir à quel point la personnalité transpire de ces lettres de motivation, c’est l’image que vous renvoyez au recruteur. Il s’agissait de recruter un technicien commercial, certaines lettres comportaient des tournures négatives, et ne donnaient pas envie de voir le candidat, encore moins de le recruter. Il faut savoir faire preuve de dynamisme. C’est pourquoi votre lettre de motivation, il faut toujours la montrer à quelqu’un d’autre. On ne se rend pas compte de l’image qu’on fait aux autres. »

 

«  Mon parcours s’est fait de rencontres. J’ai commencé par la fac (deug de sociologie, licence en ethnologie, maîtrise de sociologie), je n’envisageais pas une école privée, mais la fac, et des jobs d’étudiant qui m’ont permis une ouverture sur le monde. A un moment j’ai arrêté mes études, j’ai eu une petite fille, et puis la question s’est posée : quelle ambition j’ai pour elle, et quelle ambition j’ai pour moi ? J’ai alors repris mes études en master professionnel spécialité gestion des ressources humaines, et cette année un doctorat en sciences de gestion dans une école de management à Strasbourg. Il faut se créer un réseau. Une école privée, c’est aussi se payer un réseau. Il faut être vigilant dans les rencontres, toujours laisser une bonne image, montrer que vous avez envie, que vous êtes curieux. »

 

« Une entreprise c’est un monde codé, un monde de représentations, dans sa façon d’être, de s’habiller. Quand vous êtes en stage, le premier jour il faut être beaucoup dans l’observation. On se tutoie, qui se tutoie, quels sont les codes vestimentaires… il faut être assez neutre au début, pour s’adapter. Il faut aussi toujours identifier la « personne ressources », celle qui connaît tout et pourra vous renseigner. L’espace, la répartition spatiale reflète aussi la perception du travail dans l’entreprise. Un grand espace ouvert avec tous les bureaux dans la même pièce, signe que tout le monde doit travailler ensemble, ou des bureaux cloisonnés, avec des portes fermées, là vous comprenez tout de suite, on est là pour bosser ! »

 

« Aujourd’hui la communication s’organise autour d’un travail sur les valeurs de l’entreprise. Mais il faut faire la différence entre ce qu’on veut montrer et ce qui se passe vraiment dans l’entreprise. Après votre recrutement, vous êtes évalué chaque année. Lors de cet entretien annuel d’évaluation, votre chef de service vous montre que vous êtes là pour travailler ensemble. Avez-vous rempli vos objectifs, quels sont vos objectifs pour l’année future ? Chiffres, projets, vous obtenez comme à l’école un certain nombre de points, qui vont vous permettre de gagner une part variable de rémunération. Mais le chef de service dispose d’une enveloppe, à répartir entre chacun. »

 

« Il faut s’intégrer le plus vite et le mieux possible dans l’entreprise, savoir à qui s’adresser, de quelle manière. Les premiers échanges sont importants, on fige vite la personne dans une image, des rôles. Les collègues, l’ambiance de travail ont leur importance. Dans les écoles de commerce ce n’est pas pour rien qu’on doit faire la fête ensemble, des liens se tissent, pour plus tard ! »

 

« Un individu seul n’a pas d’existence, n’est rien du tout. Ce qui fait qu’il existe c’est le regard de l’autre. »

 

« Est-ce que l’éducation est faite pour qu’on soit adapté au monde du travail ? Dans les pays nordiques, souvent cités en exemples ces temps-ci, l’éducation est un savoir-vivre ensemble, c’est apprendre à vivre en société grâce à des activités de développement personnel et de développement collectif. On n’est pas là pour faire que de la matière grise. »

 

« L’important c’est de se créer un réseau, échanger, participer à des colloques, prendre des contacts. Autre question cruciale : quel projet de vie tu as ? On a plusieurs vies dans une même vie. Il faut être curieux, se former, toujours évoluer. »





A la vingtaine de participants de ce soir,

et aux autres,

quelles réflexions après cette rencontre?

 

 

 

 

 



Publié dans Actu

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :