Les enfants perdus de Tranquility Bay

Publié le par SoPhie

"Documentaire de Jean-Robert ­Viallet et Mathieu Verboud (France/Suisse, 2005). 85 mn. Rediffusion.

En 2004, David, 13 ans, a passé huit mois à Tranquility Bay, en Jamaïque, dans un camp de redressement. Vous ne le verrez pas dans ce film. Revenu traumatisé, il est incapable d’évoquer les violences subies lors de son séjour. Comme des milliers d’adolescents américains (de 15 000 à 20 000, selon les estimations), David a été confié à ce centre de « modification du comportement », considéré comme le dernier recours par des parents dépassés par la crise d’adolescence de leur progéniture. Promesse de réussite, exploitation de l’angoisse parentale constituent le socle du juteux business de WWASP (World Wide Association of Specialty Programs), le puissant conglomérat américain qui règne discrètement sur Tranquility Bay, « fleuron » d’un réseau de six centres. Implanté en Utah, WWASP est aux mains de ­riches hommes d’affaires empreints des valeurs patriarcales et autoritaires du fondamentalisme mormon.
Fruit d’une longue enquête, ce film se place du côté des nombreuses victimes de WWASP, adolescents ravagés à vie et parents rongés par la culpabilité de s’être laissé abuser. Leurs témoignages nous entraînent dans l’horreur de ces « goulags pour gosses de riches », comme le disent les auteurs, et pointent avec force les dérives d’un monde occidental en quête de l’enfant parfait. L’enquête se double d’une approche documentaire sensible et efficace, influencée par la fiction. Il en découle des libertés déroutantes, surtout quant à la provenance floue de certaines images de l’intérieur des camps. Cela n’enlève rien à la force de démonstration et à l’engagement sincère de ce film, dont on sort sonné."
Isabelle Poitte


Critique publiée dans Télérama du documentaire diffusé hier soir sur France2.

Publié dans Actu

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